À l’approche de l’élection présidentielle d’avril 2025, Alain-Claude Bilie-By-Nze, figure bien connue du paysage politique gabonais, tente de se repositionner en chantre du renouveau. Son programme, décliné en une série de réformes aussi ambitieuses qu’irréalistes, soulève pourtant plus d’interrogations que d’adhésions. Derrière les effets d’annonce, une analyse minutieuse révèle un ensemble de propositions largement déconnectées des réalités budgétaires et institutionnelles du pays.
Un “minimum jeunesse” : entre assistanat et illusion économique
L’une des mesures phares de Bilie-By-Nze est l’instauration d’un « minimum jeunesse », censé accompagner les diplômés sans emploi avec une indemnité équivalente à 80 % de la bourse universitaire la première année et 60 % la seconde année. Or, cette promesse ignore une réalité économique fondamentale : avec quels fonds le candidat envisage-t-il de financer une telle allocation, alors que le pays peine déjà à honorer ses engagements budgétaires ?
Dans un pays où le taux de chômage des jeunes dépasse les 30 %, une telle mesure créerait un gouffre financier abyssal, aggravant le déficit public au lieu de résoudre le problème de l’emploi. Pire, elle pourrait inciter à l’inaction plutôt qu’à l’effort, encourageant une dépendance à l’État plutôt que la recherche proactive d’un emploi ou la formation continue.
Quant au « kit première entreprise », présenté comme une solution miracle après trois ans d’inactivité, il ne repose sur aucun mécanisme structurant. L’entrepreneuriat ne se limite pas à un simple capital de départ : il nécessite un écosystème favorable, des infrastructures adaptées et un climat économique stable. Or, le programme du candidat ne prévoit aucun plan d’accompagnement, de formation ou de facilitation administrative pour garantir la viabilité de ces entreprises naissantes.
Un filet social vidé de toute faisabilité
Autre promesse séduisante en apparence : la mise en place d’un « minimum universel » en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Si l’intention peut sembler louable, elle pose une nouvelle fois un problème majeur de financement.
Dans un pays où la masse salariale de la fonction publique représente déjà une charge écrasante, où trouver les ressources nécessaires pour instaurer un tel dispositif sans alourdir la pression fiscale ou creuser davantage la dette publique ? L’absence totale d’un chiffrage précis dans le programme du candidat laisse à penser qu’il s’agit davantage d’un slogan électoral que d’une politique viable.
Suppression des institutions : un coup de sabre précipité et dangereux
Bilie-By-Nze se veut le porte-étendard d’un État rationalisé et allégé, en prônant la suppression du Sénat, du CESE, de la Médiature de la République et des autorités administratives indépendantes. Si la réduction des coûts de l’appareil d’État peut sembler pertinente, son approche ultra-radicale révèle une méconnaissance flagrante du rôle de ces institutions.
• Le Sénat, bien que critiqué, joue un rôle clé dans l’équilibre des pouvoirs et la relecture des textes de loi. Sa disparition laisserait un vide institutionnel préjudiciable.
• Le CESE, censé être le relais des acteurs économiques et sociaux, ne peut être supprimé sans une alternative crédible pour garantir la consultation de la société civile.
• La Médiature de la République, souvent perçue comme une institution symbolique, reste néanmoins un recours pour les citoyens face aux abus administratifs. Sa suppression signifierait la disparition d’un espace de dialogue entre l’État et la population.
Au lieu d’une simplification rationnelle de l’administration, le programme du candidat s’apparente à une destruction aveugle des contre-pouvoirs, au risque d’affaiblir la gouvernance démocratique du pays.
Un contrôle budgétaire flou et des économies illusoires
En matière de finances publiques, Bilie-By-Nze promet un contrôle rigoureux des budgets des institutions et la suppression de certains postes de pension. Mais quelles pensions vise-t-il exactement ? Celles des anciens fonctionnaires ? Celles des militaires ? L’opacité de cette proposition laisse craindre une réforme mal préparée, voire une simple annonce populiste destinée à séduire un électorat en quête de rigueur budgétaire.
De plus, la suppression d’institutions ne garantit pas une baisse des dépenses : les compétences supprimées devront être redistribuées ailleurs, entraînant de nouveaux coûts de réorganisation. L’histoire récente prouve que la restructuration de l’État ne se traduit pas systématiquement par des économies, mais parfois par des dépenses supplémentaires imprévues.
La Commission Vérité et Réconciliation : un gadget politique ?
Enfin, la création d’une Commission Vérité et Réconciliation semble relever davantage d’un artifice politique que d’une réelle nécessité institutionnelle. Dans un pays où les priorités sont avant tout économiques et sociales, cette initiative paraît hors sujet, sinon opportuniste.
Quelles vérités cherche-t-on à révéler ? Quelles réconciliations espère-t-on provoquer ? L’histoire récente du Gabon, bien que marquée par des tensions politiques, ne justifie pas la mise en place d’un tel mécanisme, qui s’inspire de contextes bien plus traumatiques comme l’Afrique du Sud post-apartheid. Ce projet apparaît donc comme un écran de fumée, destiné à détourner l’attention des véritables urgences nationales.
Un programme de façade, sans ancrage dans la réalité
En définitive, le programme d’Alain-Claude Bilie-By-Nze accumule les promesses déconnectées des contraintes économiques et institutionnelles du pays. Derrière des mesures séduisantes se cache un manque criant de réalisme financier, une vision brouillonne de la réforme de l’État et une approche populiste qui fait l’impasse sur les véritables leviers du développement.
Si le candidat ambitionne de transformer le Gabon, il devra d’abord répondre à cette question essentielle : comment financer ses promesses sans plomber davantage les finances publiques ni fragiliser l’architecture institutionnelle du pays ? À l’heure actuelle, son programme apparaît davantage comme un exercice de communication électoraliste que comme un projet de société viable.