Par sa plume aussi acérée que sa mémoire, Grégory Laccruche vient de frapper un grand coup. Dans une lettre ouverte publiée le 15 juillet 2025 sur son compte Facebook officiel, l’ancien maire d’Akanda et figure centrale de l’“Opération Scorpion” brise enfin le silence après plus de quatre années d’un enfermement qu’il qualifie sans détour de “prise d’otage politique”.
Et si la parole libérée a le pouvoir de secouer des régimes, celle de Grégory Laccruche est un séisme pour ceux qui, hier encore, régnaient sans partage.
Un silence de quatre ans, une réplique chirurgicale
“Je n’ai rien oublié.” Cette phrase n’est pas seulement une mise en garde. C’est une sentence. Laccruche ne parle pas pour se plaindre, il parle pour témoigner. Pour exposer. Pour dénoncer. Son récit, glaçant, revient sur son arrestation en novembre 2019, trois jours seulement après avoir refusé de trahir son propre frère, Brice Laccruche Alihanga. “Pas une arrestation, une vengeance. Pas un procès, une punition.” Il restera enfermé illégalement quatre années durant, sans audience, sans défense, dans des conditions qu’il qualifie d’inhumaines : cellule minuscule, obscurité permanente, isolement total.
Sylvia et Noureddin Bongo dans le viseur
Laccruche ne fait pas dans la demi-mesure. Il accuse frontalement les proches d’Ali Bongo et tout particulièrement Sylvia Bongo et son fils Noureddin – d’avoir organisé, légitimé et entretenu cette machine répressive :
“Ceux qui ont bâti l’oppression se font aujourd’hui passer pour des martyrs de la démocratie. Les pleureurs d’aujourd’hui sont les bourreaux d’hier.”
Et voilà que les anciens faiseurs de ténèbres quémandent aujourd’hui la lumière, criant à l’injustice… eux qui, hier, enfermaient la vérité dans des cellules obscures.
Une parole pour les sans-voix
Grégory Laccruche n’élève pas seulement la voix pour lui. Il la prête à ceux qui ont été brisés, exilés, effacés du récit national sous le règne Bongo. Sa lettre est un cri collectif, un hommage silencieux à ceux dont les noms ne feront jamais les gros titres, mais qui ont subi le même sort :
“Ils n’ont pas défendu la justice, ils l’ont étranglée. Ils n’ont pas protégé la liberté, ils l’ont enchaînée.”
Un soutien présidentiel, un désaveu du passé
Laccruche ne manque pas de remercier le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma, sans qui selon ses propres mots il ne serait “sans doute plus de ce monde”. C’est une reconnaissance personnelle, mais aussi une charge implicite : l’ancien système aurait eu sa mort sur la conscience, dans le silence complice d’un pouvoir déshumanisé.
Un homme debout, une justice encore à genoux
Aujourd’hui libre, Grégory Laccruche affirme son intention de poursuivre le combat par les voies juridiques, nationales et internationales. L’ONU l’avait déjà reconnu comme prisonnier politique dès 2020, exigeant sa libération. Une plainte pour séquestration a même été déposée en France. Mais rien, jusqu’à aujourd’hui, n’a ébranlé l’impunité de ceux qui ont orchestré ce cauchemar judiciaire.
Un miroir tendu à la mémoire politique gabonaise
Ce témoignage ravive une question cruciale : le Gabon peut-il guérir sans mémoire ? Alors que le pays peine à solder les comptes de l’ère Bongo, la lettre de Grégory Laccruche remet brutalement l’histoire au centre du débat. Les rôles sont renversés, les masques tombent, et la parole vraie trouve enfin son chemin.
Le retour de l’homme qu’ils voulaient faire oublier
Ils ont voulu le faire taire, ils l’ont rendu inarrêtable.
Ils ont voulu l’effacer, il revient comme un témoin.
Ils l’ont traité comme un otage, il parle en homme libre.
Dans un pays qui aspire à renaître, la vérité de Grégory Laccruche est plus qu’un règlement de comptes : c’est une réappropriation de la dignité, un acte de justice mémorielle, et peut-être, le début d’une libération collective.