Le récent discours d’Ali Bongo Ondimba, prononcé depuis Londres par la voix d’Ali Akbar Onanga, a suscité une vague d’indignation et de débats au Gabon. Loin d’être un simple appel à la mobilisation, cet épisode révèle une profonde crise de légitimité et une incohérence criante dans la posture de l’ancien président. À travers une analyse rigoureuse, cet article décortique les contradictions, l’arrogance et les implications de cette sortie médiatique, tout en mettant en lumière les dynamiques politiques actuelles du Gabon.
Une provocation maladroite et hors sol
L’appel de Londres, où Ali Bongo revendique la tête du Parti Démocratique Gabonais (PDG) et s’érige en défenseur du Gabon, est une tentative maladroite de reprendre un leadership discrédité. Comme le souligne Télesphore Obame Ngomo, cet acte s’apparente à une « collection de provocations » qui frise le ridicule. Pendant son mandat, Ali Bongo répétait inlassablement que les problèmes du Gabon ne se règlent pas à l’étranger. Pourtant, c’est depuis l’exil qu’il lance aujourd’hui ses diatribes, défiant ainsi sa propre rhétorique. Cette incohérence patente soulève une question fondamentale : comment un homme qui a présidé aux destinées du Gabon pendant 14 ans peut-il prétendre défendre un pays qu’il a, selon de nombreux observateurs, conduit au bord du chaos ?
L’attitude d’Ali Bongo trahit une forme d’arrogance monarchique. En déléguant la lecture de son discours à Ali Akbar Onanga, il évoque l’image d’un chef déconnecté, incapable de s’exprimer directement, à l’instar d’un « monarque » refusant de descendre dans l’arène. Cette posture contraste cruellement avec celle de figures historiques comme Charles de Gaulle, qui n’aurait jamais laissé un tiers lire son appel du 18 juin. Elle renforce l’idée d’un leadership faible, déjà entaché par des années de gestion chaotique, marquée par l’influence néfaste de son entourage, notamment Sylvia et Noureddine Bongo.
Un héritage trahi : le PDG d’Omar Bongo défiguré
Le PDG, fondé par Omar Bongo Ondimba, était autrefois un symbole de rigueur, de mérite et de vision politique. Comme le rappelle Obame Ngomo, accéder à des responsabilités au sein du parti exigeait des preuves de compétence et de loyauté, incarnées par des figures comme Jacques Adiahenot, Angélique Ngoma ou René Ndemezo’Obiang. Sous Ali Bongo, cet héritage a été perverti. Le parti s’est transformé en un « bateau ivre », piloté par des « apprentis sorciers » tels que Noureddine Bongo Valentin, Steeve Nzegho Dieko ou Jessy Ella Ekogha, dont l’arrogance et l’incompétence ont précipité la chute du régime.
Le texte d’Obame Ngomo met en lumière une vérité accablante : le PDG d’Ali Bongo n’a plus rien à voir avec celui de son père. Loin d’incarner l’ADN politique d’Omar Bongo, caractérisé par le dialogue, la médiation et une vision inclusive, Ali a laissé le parti devenir un outil de favoritisme et de mépris. Les militants, qui ont payé un lourd tribut pour leur loyauté, se sentent aujourd’hui trahis. Ils refusent d’être réduits à des « moutons ou des chiens » au service d’une élite déconnectée, incarnée par Sylvia Bongo, dont les agissements ont alimenté un climat de haine et de division.
Une légitimité en lambeaux face à l’élan populaire
L’appel de Londres intervient dans un contexte où la légitimité d’Ali Bongo est quasi inexistante. Le coup de libération du 30 août 2023, loin d’être un simple putsch, a été accueilli comme une délivrance par une majorité de Gabonais, exaspérés par des années de mauvaise gouvernance, de fraudes électorales et de mépris. Brice Clotaire Oligui Nguema, porté par un « vote écrasant » lors de la dernière élection présidentielle, incarne aujourd’hui une légitimité populaire que son prédécesseur n’a jamais su conquérir. Ce contraste est saisissant : alors qu’Ali Bongo s’accroche à un passé révolu, Oligui Nguema bénéficie d’une adhésion massive, fruit d’un ras-le-bol collectif.
Pourtant, l’ancien président semble aveugle à cette réalité. Sa focalisation sur la situation de sa femme, Sylvia, et de son fils, Noureddine, tous deux impliqués dans des scandales retentissants, traduit un mépris pour les autres victimes de son régime. Que dire de Cyriaque Mvourandjami, concepteur de la fraude électorale d’août 2023, ou des nombreux militants du PDG abandonnés à leur sort ? Cette attitude renforce l’image d’un homme dénué de sens des responsabilités, incapable de mesurer l’ampleur des désordres causés sous son règne.
Une sortie contre-productive : un « pet de lapin sur toile cirée »
L’appel de Londres, qualifié par Obame Ngomo de « pet de lapin sur toile cirée », est voué à l’échec. Il ne mobilisera aucune résistance politique significative, car il manque de substance et de crédibilité. Ali Bongo, en s’entourant de « chanteurs de nuit » et de « cireurs de pompes », s’illusionne sur sa capacité à influencer le cours des événements. Pire, ses agissements donnent du grain à moudre à ses détracteurs, qui y voient la confirmation de son incapacité à assumer les conséquences de ses échecs.
Le texte d’Obame Ngomo appelle à une prise de conscience collective : il est temps pour le Gabon de tourner la page. Les provocations d’Ali Bongo ne doivent pas détourner l’attention des défis actuels, ni affaiblir la légitimité du Général Président. Les divisions internes et les « guéguerres de leadership » au sein du pouvoir actuel, dénoncées dans le texte, doivent cesser pour permettre une gouvernance cohérente et tournée vers l’avenir.
Le silence comme ultime dignité
Ali Bongo Ondimba, par son attitude, s’est disqualifié de toute prétention à diriger le PDG ou à incarner un quelconque leadership au Gabon. Son héritage, entaché par l’arrogance, la corruption et l’incompétence de son entourage, contraste cruellement avec la vision de son père. Face à un peuple qui aspire à la stabilité et à la justice, il serait sage qu’il opte pour le silence, une forme d’élégance que la décence impose. Le Gabon, comme l’affirme Obame Ngomo, « n’est pas un paillasson ». Il est temps pour l’ancien président de respecter la traversée du désert qu’il a lui-même contribué à créer, et de laisser le pays avancer vers un avenir plus prometteur.