Le Gabon entre dans une nouvelle ère budgétaire. Avec un montant global de 7 233,3 milliards de FCFA, en hausse de 5,2 % par rapport à 2025, le Projet de loi de finances (PLF) 2026 marque un tournant majeur dans la stratégie économique nationale. Premier budget de la Ve République, il traduit la volonté du gouvernement de replacer l’investissement public au cœur de la relance, après plusieurs années d’austérité et de dépendance extérieure.
Présenté devant les députés par le ministre d’État à l’Économie, Henri-Claude Oyima, le texte se veut résolument ambitieux. « Pendant trop longtemps, nous avons piloté le budget dans une logique de survie », a-t-il reconnu. « Le coût de l’inaction serait bien plus élevé que celui de l’investissement. » Cette déclaration résume la philosophie du PLF 2026 : miser sur la dépense productive pour reconstruire une économie plus solide, plus souveraine et mieux équilibrée.
Les investissements publics atteignent 3 321,5 milliards de FCFA, soit près de 46 % du budget total, un niveau inédit depuis plus de dix ans. L’objectif est clair : sortir d’un modèle rentier centré sur le pétrole pour stimuler la croissance hors hydrocarbures, notamment dans les secteurs de l’agro-industrie, du bois et des services. Le gouvernement projette une croissance économique de 7,9 % en 2026, portée par une reprise de la production nationale et une stabilisation des prix du baril.
Le PLF repose sur une approche méthodique fondée sur la discipline, la transparence et la soutenabilité budgétaire. Le déficit est annoncé sous contrôle, avec une stratégie d’endettement prudente : 60 % des emprunts seront contractés en monnaie locale afin de limiter la vulnérabilité face aux fluctuations du change. Les recettes nettes attendues s’élèvent à 3 664,1 milliards de FCFA, tandis que les dépenses de fonctionnement atteignent 3 569 milliards.
Ce budget s’appuie sur une série de réformes structurelles déjà amorcées. La suppression progressive des exonérations fiscales, la restructuration des entreprises publiques déficitaires, la rationalisation des agences d’État et la création de fonds dédiés aux projets structurants traduisent la volonté du gouvernement d’assainir les finances publiques. L’introduction d’un visa obligatoire pour l’accès aux marchés publics et la construction de nouveaux bâtiments administratifs sur deux ans participent également à cet effort de rationalisation.
Face à ce projet d’envergure, les députés ont salué la vision de l’exécutif tout en pointant les obstacles persistants à l’efficacité de l’action publique. Plusieurs ont dénoncé la lenteur de l’exécution budgétaire et les blocages administratifs, soulignant que « le Gabon ne manque pas de moyens, il manque d’efficacité ». D’autres élus ont insisté sur la nécessité d’intégrer davantage la dimension sociale du développement, en appelant à la création d’un fonds d’urgence pour les populations vulnérables et à la mise à jour du fichier des Gabonais économiquement faibles.
La réussite du PLF 2026 dépendra désormais de la capacité du gouvernement à concrétiser les réformes promises. Les retards dans la mise en place du système d’information budgétaire intégré, l’absence de textes d’application pour certaines mesures et la gestion encore fragile des entreprises publiques continuent de nourrir les inquiétudes. Le poids des subventions aux produits pétroliers et les irrégularités persistantes dans le fichier solde des agents publics demeurent également des défis à surmonter.
Au-delà des chiffres, ce budget s’impose comme une véritable boussole politique et économique. Il incarne la volonté de bâtir un modèle post-rentier, fondé sur la production nationale, la rigueur financière et la souveraineté économique. En pariant sur l’investissement et la réforme, le Gabon affirme son ambition : se refonder par la croissance et non par la dépendance.

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