Dans un entretien-choc diffusé le 4 août 2025 sur TV5Monde, Brice Laccruche Alihanga signe un retour fracassant sur la scène politique gabonaise. Entre révélations explosives, récits de détention inhumaine et positionnement stratégique, celui qu’on croyait définitivement écarté du jeu revient avec un message clair : il n’a pas renoncé, et il entend peser sur l’avenir.
« J’ai dit non au prince qui voulait devenir roi »
C’est une phrase qui claque comme une gifle politique. Brice Laccruche Alihanga (BLA), ancien bras droit d’Ali Bongo, confesse devant les caméras ce qu’aucun proche du pouvoir n’avait jamais osé dire publiquement : il a refusé d’entrer dans le pacte de succession dynastique voulu par le clan Bongo. Dans l’intimité du domicile de Noureddin Bongo Valentin, l’homme fort de l’époque, une scène digne d’une tragédie monarchique se joue. Le fils du président réclame une allégeance inconditionnelle. La réponse de Laccruche est un non net. Et ce non, il le paiera très cher.
Une descente aux enfers orchestrée
Ce refus signe l’ouverture d’un chapitre sombre : quatre années d’isolement total, sans fenêtre ni promenade, dans une cellule de six mètres carrés. Privé de lumière, de lecture, de visites, Laccruche survit dans des conditions qu’il qualifie lui-même d’inhumaines. Il sort en 2023, brisé physiquement , 40 kilos en moins, un cancer du côlon mais vivant. Et, surtout, décidé à parler.
Il affirme que près de 300 personnes de son entourage ont subi le même sort, dans une logique de représailles systématiques. À ses yeux, le régime Bongo-Valentin n’était pas simplement un système politique, mais un “cartel”, une “mafia”, où l’on n’entre pas sans renoncer à sa liberté, et d’où l’on ne sort qu’à travers la mort ou la prison.
Un témoignage rare et glaçant
Dans un passage particulièrement saisissant de l’entretien, Laccruche raconte la visite de Yan Goulou, directeur de cabinet de Noureddin, venu dans sa cellule lui annoncer froidement :
« J’habite ta maison, je porte tes vêtements, et après les élections, tu prendras 25 à 30 ans, c’est décidé. »
Cette phrase, il la livre sans trembler. Elle dit tout de la brutalité d’un système où la rivalité politique justifie la destruction personnelle. Elle dit aussi pourquoi ce témoignage n’est pas seulement un règlement de comptes, mais un acte de rupture avec une époque de violence institutionnalisée.
De l’ombre à la stratégie politique
Brice Laccruche Alihanga ne revient pas pour reprendre un portefeuille ministériel. Il revient avec une ambition plus vaste : peser sur le renouveau du Gabon. Désormais conseiller stratégique de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), le parti du président de transition Brice Clotaire Oligui Nguema, il se présente comme une voix expérimentée, mais renouvelée. Il insiste : 95 % des cadres de l’UDB sont nouveaux. Il appelle à une politique d’inclusion, tournée vers l’avenir.
Ce retour s’inscrit dans le sillage du discours de changement porté par le pouvoir de transition. Mais Laccruche entend se distinguer. Il ne renie pas son passé ; il en fait un levier de vigilance, une expertise du pouvoir… et de ses dérives.
La justice, pas la vengeance
À ceux qui plaident pour une commission vérité-réconciliation, il oppose une exigence de justice rigoureuse. Il affirme avoir assumé sa responsabilité devant les tribunaux gabonais, malgré sa maladie, contrairement à certains anciens dignitaires aujourd’hui à l’étranger. Un message à peine voilé aux exilés de Londres, qui, selon lui, doivent répondre de leurs actes.
« Le Gabon est mon pays. J’ai assumé. Et j’attends la même chose des autres. »
Une parole qui pèse, une campagne qui change
Cet entretien n’est pas anodin. Il intervient à quatre semaines des élections législatives et locales, dans un contexte où l’ancien système tente de conserver des bastions d’influence. Laccruche, en dévoilant les mécanismes internes de l’ancien pouvoir, ne se contente pas de se justifier : il en sape les fondations.
Il ne demande pas pardon. Il expose, accuse, et trace une ligne entre ceux qui veulent reconstruire le pays… et ceux qui veulent perpétuer le règne d’héritiers autoproclamés. Son récit est brut, sans fard, parfois dérangeant. Mais il force le débat.
Le survivant devenu éclaireur
Brice Laccruche Alihanga revient, non pas pour se venger, mais pour avertir. Il a vu le pouvoir de l’intérieur, il en a payé le prix. Son “non” au prince est devenu un manifeste politique. Une mise en garde pour ceux qui, demain, pourraient être tentés de reconstruire le passé au lieu d’inventer l’avenir.
Et dans ce Gabon en recomposition, sa voix pourrait bien résonner plus fort qu’on ne l’aurait cru.