Alors que la 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) s’est ouvert le 9 septembre pour sa phase préparatoire et culmine dans la semaine de haut niveau à partir du 23 septembre, tous les regards se tournent vers une figure émergente du leadership africain : Brice Clotaire Oligui Nguema, président du Gabon. Parti ce dimanche 21 septembre de Libreville pour New York, le jeune dirigeant gabonais âgé de seulement 50 ans n’arrive pas en simple observateur. Son intervention, attendue avec une impatience particulière, symbolise un tournant pour l’Afrique centrale et pour le continent tout entier. Pourquoi cette attente fiévreuse autour de sa présence ? Au-delà du protocole diplomatique, elle révèle des enjeux stratégiques profonds : la légitimation d’une transition réussie post-coup d’État, la défense d’une Afrique unie face aux crises globales, et une ambition de repositionner le Gabon comme pivot multilatéral. Déchiffrons cela pas à pas.
Une première comme président élu : La consécration d’une transition exemplaire
Brice Oligui Nguema n’est plus le « général de la transition » qui s’adressait à l’AGNU 79 en septembre 2024 en tant que chef intérimaire.  Deux ans après le coup d’État du 30 août 2023 qui a mis fin à 55 ans de dynastie Bongo, il atterrit à New York en président élu, investi le 3 mai 2025 avec près de 95 % des voix lors d’un scrutin qualifié d’historique.  Cette élection, marque une rupture : pour la première fois au Gabon, un processus électoral se déroule sans violence ni contestation massive, contrastant avec les fraudes endémiques du passé.
Son intervention à l’AGNU 80 sera ainsi un moment de légitimation internationale cruciale. Dans un continent secoué par une vague de coups d’État (Sahel, Soudan, Guinée), le Gabon sous Oligui Nguema émerge comme un contre-modèle positif : une transition militaire qui accouche d’une démocratie constitutionnelle en moins de deux ans. Attendu par les diplomates africains et occidentaux, il pourra vanter cette « réussite gabonaise » comme un antidote au narratif pessimiste sur la gouvernance en Afrique. Comme l’indique son propre communiqué, il défendra « les intérêts de notre nation et de notre continent dans un esprit de responsabilité, de fédération et de coopération ».  Une rhétorique qui résonne d’autant plus que l’AGNU 80, en son 80e anniversaire, appelle à une réforme du multilatéralisme pour inclure les voix marginalisées, l’Afrique en tête.
Le Gabon, porte-voix de l’Afrique : Paix, climat et développement durable au cœur du débat
Le thème de cette 80e AGNU : « Better together : 80 years and more for peace, development and human rights » colle comme un gant à l’agenda d’Oligui Nguema. Le Gabon, deuxième producteur de pétrole en Afrique subsaharienne et gardien d’une forêt équatoriale couvrant 85 % de son territoire, est un acteur clé sur les fronts de la paix et du climat. Oligui Nguema portera explicitement la voix de Libreville sur la paix et la sécurité en Afrique centrale, une région minée par les conflits en RCA et au Congo voisin.  Sa rencontre récente avec le chef de l’UNOCA (Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale) à Libreville, axée sur l’intégration régionale, prépare le terrain pour des appels à une plus grande implication onusienne dans la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale).
Sur le climat, le Gabon n’est pas qu’un spectateur : en tant que signataire de l’Accord de Paris, il milite pour une augmentation de la part africaine dans les investissements renouvelables, de 2 % à 20 % d’ici 2030.  Oligui Nguema, qui a lancé en juillet 2025 son parti politique centré sur la diversification économique au-delà du pétrole, insistera sur le financement durable du développement, un pilier de l’agenda africain à l’ONU, où l’aide étrangère imprévisible cède la place à la mobilisation interne des ressources.  Imaginez : un leader post-coup qui, au lieu de rompre avec l’Occident comme les juntes sahéliennes, renforce les liens avec la France et les États-Unis (comme en témoigne sa rencontre avec la sous-secrétaire d’État américaine en juillet).  Cela positionne le Gabon comme un allié fiable, attendu pour des bilatérales fructueuses sur l’énergie et l’IA, un sujet novateur qu’il abordera explicitement à New York.
Panafricanisme et multilatéralisme : Oligui Nguema, le fédérateur inattendu
Ce qui rend son arrivée particulièrement attendue, c’est son ancrage panafricain. Dans son message de départ, il réaffirme « l’attachement de notre continent africain au panafricanisme et à l’idéal d’une Afrique unie, forte et solidaire ».  À une AGNU marquée par les crises (Ukraine, Gaza, Soudan), les leaders africains comme Félix Tshisekedi (RDC) ou Denis Sassou Nguesso (Congo) convergent pour une voix continentale unie.  Oligui Nguema, avec son profil hybride de militaire charismatique devenu démocrate, incarne cette unité : il rappellera les défis que nous partageons : paix, sécurité, climat, développement durable ne peuvent être relevés qu’à travers le multilatéralisme, où chaque voix compte et où l’Afrique doit pleinement jouer son rôle.
Cette attente n’est pas anodine. Brookings note que l’Afrique, marginalisée dans le système onusien, doit saisir l’UN80 pour réformer les institutions et booster le financement du développement durable.  Oligui Nguema, en défendant des solutions « concrètes » africaines, pourrait catalyser des alliances, des partenariats avec l’UE via le trilatéral AU-UE-ONU à des initiatives comme Unstoppable Africa sur les investissements. Son passage à New York n’est pas qu’un discours : c’est une offensive diplomatique pour repositionner le Gabon comme hub ouest-africain, attirant des investissements dans l’IA et les énergies vertes.
Un Gabon renaissant au cœur du monde
Brice Oligui Nguema arrive à l’AGNU 80 non comme un paria post-coup, mais comme un architecte de l’avenir africain. Sa présence est attendue parce qu’elle transcende le Gabon : elle valide une transition réussie, amplifie la voix d’une Afrique résiliente, et injecte de l’urgence dans la réforme multilatérale. Dans un monde fracturé, où l’union fait la force, son message « Better together » pourrait bien devenir le mantra d’une génération. À suivre de près : son discours du 25 septembre pourrait redessiner les contours d’un panafricanisme 2.0. Pour le Gabon et l’Afrique, c’est l’heure de la renaissance.
