Le 4 juin 2025 marque un tournant décisif dans la trajectoire économique et politique du Gabon. En dénonçant l’Accord de partenariat de pêche durable (APPD) avec l’Union européenne, le président Brice Clotaire Oligui Nguema rompt avec une logique de dépendance économique pour affirmer un choix stratégique clair : reprendre en main l’avenir des ressources halieutiques nationales et en faire un levier de souveraineté et de développement durable.
Une dénonciation lucide d’un partenariat inéquitable
Signé en 2007 et reconduit à plusieurs reprises, l’APPD avait pour objectif affiché une coopération équilibrée dans le domaine de la pêche. Pourtant, au fil des années, le déséquilibre est devenu flagrant. Les flottes européennes ont largement profité des richesses halieutiques gabonaises, tandis que les retombées pour le pays sont restées marginales.
Le président Oligui Nguema ne mâche pas ses mots : l’accord est jugé « profondément déséquilibré ». Les recettes générées ne reflètent ni la valeur réelle des captures, ni les coûts de surveillance et de contrôle assumés par l’État, ni les pertes économiques liées à l’absence de transformation locale des produits de la mer. Pire encore, le manque d’investissement européen dans les infrastructures locales, la formation ou l’emploi démontre l’asymétrie d’un partenariat qui, sous couvert de durabilité, a surtout servi des intérêts extérieurs.
Une décision de souveraineté, pas un repli
Contrairement à ce que certains pourraient interpréter comme une fermeture, cette dénonciation unilatérale vise à ouvrir un nouveau chapitre. Le Gabon ne tourne pas le dos à la coopération internationale, mais revendique le droit de la définir selon ses propres termes. L’article 13 de l’accord prévoit d’ailleurs cette dénonciation, que le gouvernement gabonais active en pleine légitimité.
L’objectif est clair : refonder une coopération plus équitable, ou explorer des alternatives régionales ou internationales mieux alignées avec les priorités nationales. Il s’agit désormais de bâtir une filière thonière gabonaise robuste, durable et souveraine.
Une ambition de transformation et de création de valeur locale
La vision portée par le chef de l’État va bien au-delà de la dénonciation d’un accord. Elle dessine les contours d’un véritable projet de développement national centré sur la transformation locale, l’industrialisation et la montée en compétences. Zones de débarquement modernes, entrepôts frigorifiques, unités de transformation, chantiers navals : le Gabon veut construire une industrie halieutique intégrée, génératrice d’emplois, de richesse et de souveraineté économique.
Et l’urgence est posée. Le président l’a martelé : « Ce n’est plus l’heure des intentions, mais celle de l’action ». La mobilisation des administrations et la recherche de partenaires privés solides sont désormais des impératifs. Il ne s’agit plus de rêver un futur meilleur, mais de le bâtir concrètement.
Un signal fort pour l’Afrique
Ce geste fort du Gabon pourrait faire école. D’autres nations africaines, elles aussi confrontées à des accords déséquilibrés et à une exploitation inefficace de leurs ressources naturelles, pourraient s’inspirer de cette décision. Reprendre le contrôle de ses richesses, redéfinir ses priorités économiques, refuser que la valeur ajoutée s’échappe à l’extérieur — voilà une voie vers une souveraineté économique réelle.
Avec cette décision, le Gabon ne se contente pas de protéger ses poissons. Il défend son avenir. Il affirme qu’aucun développement durable n’est possible sans justice économique, sans transformation locale, sans appropriation nationale des leviers de croissance.
Le pays amorce une nouvelle ère. Une ère où il ne sera plus un simple fournisseur passif de matières premières, mais un acteur souverain de son développement, capable de négocier à égalité et de faire bénéficier son peuple des fruits de ses ressources.
Brice Clotaire Oligui Nguema ne pose pas un simple acte administratif. Il trace un cap. Et ce cap, résolument tourné vers l’équité, l’autonomie et la prospérité partagée, pourrait bien redéfinir la place du Gabon dans les relations internationales — et, pourquoi pas, celle de l’Afrique dans la gestion de ses ressources stratégiques.