Il est des événements qui, par leur ironie cinglante, semblent orchestrés par une justice invisible, implacable et silencieuse. L’interview-fleuve de Jalil Bongo, accordée à Info241, s’inscrit dans cette logique où l’histoire semble, inexorablement, ramener chacun face à ses actes passés. Dans cette intervention médiatique, le fils cadet d’Ali Bongo et de Sylvia Bongo dénonce avec fracas les supplices qu’aurait subis son frère aîné, Noureddine Bongo, depuis son arrestation en août 2023.
Un tableau sombre, qui suscite à la fois l’émoi et l’interrogation. Car au-delà de l’émotion légitime qu’il cherche à susciter, c’est une étonnante ironie du sort qui s’invite dans ce récit. Noureddine Bongo et sa mère Sylvia Bongo ne sont-ils pas aujourd’hui victimes des mêmes méthodes qu’ils ont jadis infligées à d’autres ?
Un sort autrefois réservé à Brice Laccruche Alihanga
Si Jalil Bongo s’indigne du sort de son frère, il omet pourtant d’évoquer un fait que l’histoire retiendra : Brice Laccruche Alihanga, Patrichi Tanasa et de nombreux cadres de l’AJEV ont été les premiers à subir ces traitements inhumains sous le règne de Noureddine et Sylvia Bongo.
Arrêtés arbitrairement en 2019, ces hommes ont vécu l’indicible derrière les murs des geôles gabonaises. Cinq longues années de souffrances, d’humiliations et de privations. Brice Laccruche Alihanga, autrefois énergique et ambitieux, est ressorti méconnaissable, le corps brisé, affaibli par un cancer du côlon qu’il continue de combattre. Son crime ? Avoir été l’homme de confiance d’Ali Bongo avant d’être écarté brutalement après l’AVC de ce dernier.
L’aveu de Jalil Bongo, bien que partiel et orienté, met ainsi en lumière une vérité troublante : ceux qui dénoncent aujourd’hui l’injustice en furent autrefois les architectes.
Une ironie du sort ou une leçon de l’histoire ?
Si certains y verront un retour du balancier, d’autres préféreront parler de karma. Ce qui est certain, c’est que le destin a une mémoire, et qu’il lui arrive parfois d’agir avec une rigueur saisissante. La souffrance que l’on inflige finit souvent par revenir, tel un écho que l’on ne peut ignorer.
Toutefois, par-delà les considérations morales et philosophiques, une prudence s’impose face aux allégations de Jalil Bongo. La douleur, même lorsqu’elle est sincère, ne doit pas occulter la responsabilité passée. Car si l’indignation sélective peut émouvoir, elle ne saurait effacer les pages sombres que certains voudraient aujourd’hui réécrire à leur convenance.
Dans cette tragédie aux allures de cycle infernal, une vérité demeure : les véritables victimes sont ceux qui, comme Brice Laccruche Alihanga, ont payé le prix d’une rivalité politique impitoyable. Et l’histoire, toujours en quête d’équilibre, semble bien décidée à rendre à chacun son dû.